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Publié le par STÉPHANE'S BLOGS

« Un Jour dans l'Histoire » Homosexuel(le)s dans l’Europe Nazie

LA PREMIÈRE

Dispo. jusqu'au 29/02/2024

Les homosexuels sous l'Allemagne nazie : comment le Troisième Reich a " légitimé " leur persécution

A l’heure où l’on constate, en Europe, une augmentation des actes contre les LGBT, Un Jour dans l’Histoire revient sur leur situation durant la période nazie. Pour évoquer l’évolution des mœurs à l’égard des relations homosexuelles depuis la révolution française jusqu’en 1945, Laurent Dehossay reçoit Florence Tamagne, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille, commissaire, avec Tomas Baun, de l’exposition Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie, à la Kaserne Dossin à Malines.

En 1871, le paragraphe 175 pénalise les ' actes sexuels contre nature '

Le premier mouvement militant pour les droits des homosexuels ne date pas du milieu des années 70 mais bien de 1897. Il est mené par un sexologue allemand Magnus Hirschfeld. Il fonde le Comité scientifique humanitaire (WHK, Wissenschaftlich-humanitäres Komitee) dont le combat sera la dépénalisation des relations de nature homosexuelle et l’abolition du paragraphe 175.

" A partir de 1871, par ce paragraphe, le Code pénal allemand prévoyait des peines de prison et la suspension des droits civils pour les accusés d''actes sexuels contre nature […], que ce soit entre personnes de sexe masculin ou entre hommes et animaux'. Le Comité scientifique humanitaire milite également pour le droit du contrôle des naissances, le droit au divorce. Dans son institut de sexologie créé en 1919 à Berlin, le Docteur Hirschfeld sera un des pionniers de la question transgenre avec la première opération connue de réassignation sexuelle en 1930. " explique Florence Tamagne.

Hirschfeld représente tout ce que haïssent les nazis, il est juif et homosexuel. Son institut est incendié par les nazis le 6 mai 1933. Il en échappe et meurt en exil.

Une loi rétrograde qui divise l’Europe

Ce paragraphe 175 introduit en 1871 est en réalité un retour en arrière. Ailleurs en Europe, la position des Etats a varié. Jusqu’alors, chaque Etat Fédéral de l'Empire avait sa propre législation. La Bavière et le Württemberg avaient dépénalisé l’homosexualité, en suivant l’exemple de la France. En effet, juste à la suite de la Révolution, la France avait supprimé le crime de sodomie en 1791. Il était précédemment passible de peine de mort. Le code Napoléonien de 1810 a maintenu cette dépénalisation, entraînant un certain nombre de pays à suivre la même voie. Les États allemands cités, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et d’autres. Par contre, la Grande-Bretagne et l’Empire allemand  s'alignent  sur le Code pénal prussien, qui classe les relations entre hommes comme passibles d’une peine de prison. A noter qu’ils ne visent que les relations entre hommes, les relations entre femmes restent hors du champ de la loi.

Une base légale pour les persécutions des homosexuels

En 1935, le paragraphe 175 est révisé et donne ainsi une base légale à l’extension des persécutions nazies contre les homosexuels. Les actes délictueux sont élargis aux " activités criminelles indécentes entre hommes " et même jusqu’à la simple intention ou la seule pensée. En 1936, Himmler crée l’Office central du Reich pour la lutte contre l’avortement et l’homosexualité, et nomme à sa tête Josef Meisinger, surnommé plus tard le ' boucher de Varsovie '. La police avait le pouvoir de maintenir indéfiniment en détention les soupçonnés de pratiques homosexuelles, sans même un procès.

Dans un discours prononcé en 1937 devant des officiers SS, Heinrich Himmler explique le danger que représente, à ses yeux, l’homosexualité pour la nation allemande. Il dit : " Si j’admets qu’il y a un à deux millions d’homosexuels, cela signifie que 7 à 8% ou 10% des individus de sexe masculin sont homosexuels. Et si la situation ne change pas, cela signifie que notre peuple sera anéanti par cette maladie contagieuse. […] Aujourd’hui encore, il se présente tous les mois un cas d’homosexualité dans la SS (… ) J’ai donc décidé la chose suivante : dans tous les cas, ces individus seront officiellement dégradés, exclus de la SS et traduits devant un tribunal. Après avoir purgé la peine infligée par le tribunal, ils seront internés sur mon ordre dans un camp de concentration et abattus pendant une ' tentative d’évasion '. […] J’espère ainsi extirper ces gens de la SS, jusqu’au dernier. "

Homosexuels prisonniers au camp de concentration de Sachsenhausen en 1938. © JAZZ EDITIONS/GAMMA-RAPHO via Getty images

Homosexuels prisonniers au camp de concentration de Sachsenhausen en 1938. © JAZZ EDITIONS/GAMMA-RAPHO via Getty images

Les triangles roses, 1% des déportés dans les camps de concentration

La tolérance dont la République de Weimar avait fait preuve à l’égard des homosexuels était un signe de la décadence du pays. Himmler considère que c’est une menace pour la sécurité du pays. " Les nazis s’imaginent l’existence d’une franc-maçonnerie du vice homosexuel. Or, la natalité est un des objectifs de l’expansion allemande. Selon les estimations, près de 100.000 homosexuels ont été fichés par le régime nazi. 50.000 environ ont fait l’objet d’une condamnation. Himmler étudie les recherches de la Médecine, il considère que cette maladie est la conséquence du mélange des races avec les juifs. Les nazis décrètent même que l’homosexualité est un handicap et qu’ils ne sont pas dignes de faire partie du peuple allemand " relate Florence Tamagne. 

Entre 5000 et 15.000 des condamnés sont transférés dans des camps de concentration en vue non pas d’être exterminés mais d’être en thérapie de conversion par le travail. Les homosexuels représentent 1% des déportés, et seront isolés des autres puisque selon eux l’homosexualité est contagieuse. Les autres déportés ne veulent pas être mélangés à ceux qui sont affublés non pas d’une étoile jaune mais d’un triangle roseEnviron la moitié des déportés ne survivront pas aux camps de concentration.

Il faudra attendre quarante ans pour qu’en mai 1985, l’Allemagne reconnaisse la persécution des homosexuels sous le régime nazi. Ce n’est qu’en 2002 que le parlement vote la réhabilitation des hommes condamnés par le paragraphe 175.

Publié dans RTBF

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