Télévision

(Indiens drittes Geschlecht)
Vendredi 5 novembre 2010 à 22:55
Rediffusions :
18.11.2010 à 14:45
(Allemagne, 2005, 95mn)
Réalisateur : Thomas Wartmann
Une immersion troublante et remarquable dans l'univers ambigu des hijras, hommes devenus femmes qui vivent en marge de la société indienne.
Bombay. La jeune photographe Anita Khemka fait ses premiers pas dans le monde secret et complexe des hijras. Ces hommes maquillés et revêtus de saris, eunuques pour la plupart, sont rejetés par leurs familles et vivent depuis toujours aux marges de la société indienne dans des communautés très hiérarchisées. Les hijras s'habillent et se comportent comme des femmes. Bien qu'investies d'un pouvoir qui leur permet de bénir les nouveau-nés - et aussi de jeter des sorts -, elles sont régulièrement agressées. Elles sont aussi souvent acculées à la mendicité et à la prostitution. En témoin attentive et candide, Anita pénètre l'intimité de trois d'entre elles : Asha, rencontrée sur la promenade longeant Mumbai Beach alors qu'elle menaçait de montrer son sexe à un couple qui lui refusait l'aumône ; Rambha, mendiante et gogo dancer très féminine qui vit dans un temple avec ses soeurs hijras et son gourou ; et le flamboyant Laxmi, qui mène une double vie : professeur de danse et jeune homme bien sous tous rapports, il se transforme en gourou prostituée hors du domicile familial...
À la rencontre du troisième sexe indien
Pour son premier long métrage documentaire (sorti en salles en Allemagne en 2006), Thomas Wartmann réussit un coup de maître : investigation intime menée par une jeune photographe aussi franche que discrète, le film se distingue autant par son épaisseur journalistique que par sa qualité cinématographique. Naviguant des bas-fonds de Bombay - décrits en quelques plans dont la composition picturale et colorimétrique est superbe - jusqu'au petit monde des hijras, le film lève le voile sur cette communauté ambiguë et fascinante à travers trois figures très différentes : Asha, l'ange déchu, Laxmi, la femme fatale, et Rambha, la sainte. Les apprivoisant peu à peu, Anita noue un dialogue intime avec elles, n'hésitant pas à poser des questions crues et provocantes sur leur sexualité et leur identité, ou à s'enquérir avec délicatesse de leur itinéraire souvent marqué par le rejet parental et les agressions. Des moments forts durant lesquels la jeune photographe se trouve elle-même déstabilisée par la liberté des hijras, renvoyée violemment à son identité de femme indienne privée de jouissance par l'homme. À cette trame psychologique, Thomas Wartmann ajoute, grâce un sens étonnant de la dramaturgie, une dimension plus anthropologique à travers des scènes de rituels (bénédiction de nouveau-nés, fête populaire où les hijras se retrouvent pour un mariage mystique avec un guerrier légendaire, rencontre entre gourous et disciples...), mais aussi des moments plus quotidiens (un musulman propriétaire de salon de beauté gêné par les propos outranciers de Laxmi) ou des séquences plus graves (comme lorsque Anita retrouve Asha dans la rue parmi les clochards). Un magnifique exercice de composition ; une immersion troublante et remarquable.
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