Actualité
L’animatrice Ménie Grégoire est restée célèbre pour son émission consacrée à l’homosexualité, qui donna indirectement naissance au FHAR.
Ménie Grégoire, grande voix de RTL qui a recueilli et libéré durant 15 ans la parole des femmes sur leur vie de mère, d’épouse et d’amante, osant parler de sexualité sur les ondes des années 60 et 70, est décédée dans la nuit de vendredi à samedi à 95 ans.
Allô Ménie, son émission, « était un véritable phénomène de société », a souligné sur RTL un autre animateur de la station, André Torrent, qui a débuté avec l’animatrice. « Toute la France avait envie d’appeler Ménie Grégoire au moindre problème ».
Elle est morte au lendemain de son 95ème anniversaire à Tours.
De 1967 à 1981, tous les après-midi durant une demi-heure, accompagnée d’un médecin, elle a écouté, aidé à parler et conseillé des auditeurs, et principalement des femmes, sur leurs problèmes de couple, la contraception et, plus globalement, la sexualité, un sujet encore largement tabou.
« A l’époque où je faisais mon émission, l’homme était souvent un peu… une brute, et la femme, pas du tout informée », racontera-t-elle plus tard. « On rendait brusquement la parole sérieuse en parlant du sexe, alors que jusque-là, de mon temps, c’était toujours pour plaisanter et avec des grossièretés », racontait cette femme d’ allure chic et à la voix chaleureuse.
De ces années de confessions, il reste également 100.000 lettres, à 90% émanant de femmes, qu’elle a léguées aux archives d’Indre-et-Loire : 66 mètres de linéaires et « un miroir » de « la génération des années 60-70 avant que la France bascule dans une autre période », selon l’historien, Marc de Ferrière, qui veut y consacrer une thèse.
FHAR
Violence conjugale, enfants adultérins, alcoolisme, avortement, frigidité… « On m’a tout dit. Tout est là », se félicitait Ménie Grégoire il y a encore quelques années sur RTL. Ménie Grégoire « a fait plus que marquer l’histoire de la radio, elle marqué
l’histoire de la société (…) C’est quelqu’un qui a ouvert un espace d’expression à un moment où la société n’était pas nécessairement prête à l’avoir », résume Marc de Ferrière, enseignant de l’Université de Tours qui l’a rencontrée plusieurs fois.
« L’écouter parler de ça, c’était formidable, car elle avait gardé sa tête jusqu’au bout et parlait avec beaucoup d’émotion des témoignages qu’elle avait reçus des femmes à l’époque ».
Émancipatrice, certains lui reprocheront néanmoins longtemps son émission en public en mars 1971, salle Pleyel, sur le thème « l’homosexualité, ce douloureux problème », en présence d’un psychanalyste et d’un prêtre qui conclura par un « l’Eglise a toujours eu pitié des homosexuels » qui provoqua un véritable tollé dans l’assistance. Plusieurs militants et militantes, parmi lesquelles Monique Wittig, Christine Delply ou Antoinette Fouque perturbèrent l’émission en criant « Ne parlez plus de notre souffrance », « Battez-vous! Battez-vous! ». L’émission fut interrompue et en sortant, les militant.e.s donnèrent un nom à leur mouvement: le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR)
Après l’arrêt de son émission, Ménie Grégoire fut éditorialiste du mensuel Marie-Claire, à RTL (1980-86) et France-Soir (1986-99), animatrice sur FR3 (1984) et collaboratrice à Radio Bleue. Elle s’était également engagée pour le « droit de mourir dans la dignité ».
Avec AFP